Extrait du rapport - La sécurisation du recours à la vente d’immeuble à construire

Commission 1 – Développer l’offre de logement

CHAPITRE 2 – La sécurisation du recours à la vente d’immeuble à construire

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La vente d’immeuble à construire (VIC), et plus spécifiquement la vente en l’état futur d’achèvement (Vefa), est un levier efficace pour répondre au besoin de logements, notamment sociaux et intermédiaires. D’abord marginal, puis mode de production exceptionnel et relevant d’une forme de réponse à la crise immobilière de 2008, le recours à la Vefa est aujourd’hui pérenne et massif, notamment en zone tendue1. Rappelons qu’en 2019, 54 % des logements sociaux ont été construits en Vefa, contre 3 % seulement en 2007.

L’objectif de mixité sociale, auquel est souvent associé une obligation de création de logements sociaux ou intermédiaires issue des documents d’urbanisme, ainsi que le difficile accès au foncier pour les OLS/I, favorisent en effet la réalisation de logements locatifs sociaux ou intermédiaires au travers de l’acquisition d’immeuble à construire auprès de promoteurs privés.

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On l’a dit, l’utilisation de la Vefa par les OLS/I est un sujet polémique. Complément nécessaire eu égard aux enjeux de production du logement, et réponse partielle à la crise du logement, elle est présentée comme ne devant pas conduire à une perte de l’identité professionnelle OLS/I ni à une dégradation de la qualité de production2. Pour l’Union sociale pour l’habitat, elle doit donc rester plus marginale dans la production de logements neufs, de façon à protéger le rôle contracyclique des organismes HLM3. La tendance inflationniste de la Vefa sur le coût des logements est par ailleurs souvent dénoncée, même si la réalité est plus contrastée4. Mais la Vefa est aussi présentée comme une nécessité dans les opérations immobilières multi-usage qui doivent se développer dans le contexte de dynamisation de certaines parties du territoire, de certains cœurs de villes abandonnés, et compte tenu de l’objectif ZAN. D’ailleurs, après sans doute un certain choc des cultures, il semble que tant les organismes HLM que les promoteurs immobiliers ont appris à se côtoyer et à entretenir des relations constructives, chacun prenant en considération les exigences de l’autre. En tout état de cause, quel que soit le sentiment que l’on éprouve à son égard, la Vefa de logements sociaux ou intermédiaire est une réalité et il est important que sa traduction juridique soit la plus sécurisée et efficace possible.

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Focus sur les acquisitions en Vefa ou en VIR par les OFS et les organismes HLM agréés OFS

La possibilité pour les OFS d’acquérir des logements en Vefa en vue de consentir des BRS s’apprécie au regard de l’article L. 329-1 du Code de l’urbanisme. Dans sa version d’origine, l’article L. 329-1 du Code de l’urbanisme autorisait explicitement les OFS à « acquérir » des terrains, bâtis ou non, en vue de réaliser du logement abordable sans imposer que ces acquisitions soient accompagnées de travaux à leur charge. Les OFS pouvaient donc recourir à la VIR ou à la Vefa en vue de conclure des BRS. Les modifications apportées par la loi 3DS s’inscrivent dans cet esprit libéral. Il s’agit simplement de préciser que les OFS peuvent acheter des immeubles existants pour les réhabiliter ou les rénover ce qui était, en réalité, déjà possible. L’acquisition en Vefa ou en VIR par un OFS est donc régulière au regard de l’article L. 329-1 du Code de l’urbanisme.

Le débat se concentre sur la possibilité pour les organismes HLM agréés OFS de procéder à de telles acquisitions en Vefa ou en VIR. Le nœud du débat juridique réside dans l’articulation des dispositions relatives à l’objet social des organismes HLM et celles relatives à l’objet social de l’OFS. Car, en effet, en précisant que les organismes HLM peuvent réaliser, rénover ou acquérir et améliorer des logements en vue de leur vente, le Code de la construction et de l’habitation induit que l’organisme HLM ne peut vendre que des logements pour lesquels il a assuré lui-même les opérations de construction, rénovation, ou amélioration par suite de l’acquisition ; notons cependant que les coopératives HLM bénéficient d’un cadre d’intervention plus souple sur ce point5. Or, le contrat de Vefa implique la conservation des pouvoirs du maître d’ouvrage par le vendeur, ce qui conduit à exclure l’acquisition en l’état futur d’achèvement des logements par le bailleur social en vue de leur revente dans le cadre d’une opération d’accession sociale, sauf à recourir à un contrat de location-accession. Ceci est acté. Toutefois, depuis l’entrée en vigueur de la loi Elan, l’objet légal et statutaire des organismes HLM les autorisent à être agréées pour exercer les activités d’organisme de foncier solidaire définies à l’article L. 329-1 du Code de l’urbanisme, lorsque les activités définies dans les statuts de l’organisme créé font partie du service d’intérêt général défini à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation. Agréés en ces termes, les organismes HLM voient alors leur compétence étendue aux activités d’un organisme de foncier solidaire, telles que définies à l’article L. 329-1 et aux articles L. 255-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation, le tout à la condition que les opérations réalisées participent du service d’intérêt économique général du logement social au sens de l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation. Agissant en cette qualité, les organismes HLM ne sont donc contraints que par l’article L. 329-1 du Code de l’urbanisme qui, comme nous l’avons vu, permet à l’OFS d’acquérir des logements en Vefa ou en VIR en vue de consentir du BRS, le tout dans le respect du droit de la commande publique le cas échéant.

De nombreuses positions furent exprimées sur la question, avec une divergence au sein des fédérations composant l’Union sociale pour l’habitat : la Fédération des coopératives HLM6 et l’Union sociale pour l’habitat7 s’opposant à la possibilité de pouvoir recourir à la Vefa, à l’inverse de la Fédération des ESH et des OPH8. La Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) a pris récemment position en jugeant que les organismes HLM agréés OFS n’ont pas vocation à se porter acquéreur de logement en Vefa9.

Il apparaît cependant que cette question dépasse le seul débat juridique : le recours à la Vefa par les OFS est une question sensible dans un contexte de critique du développement de la Vefa pour la production de logements sociaux et intermédiaires (v. supra). Cette sensibilité est accrue dès lors que les conditions de financement des OFS n’invitent pas nécessairement à faire baisser les prix d’acquisition (tant sur le foncier que sur les éventuelles Vefa), mais aussi dans la mesure où si les logements ainsi acquis ne sont pas suffisamment adaptés aux besoins du logement social, alors les difficultés d’entretien et de gestion, tant par les locataires que par l’OFS, pourraient être exacerbés.

Si une décision politique devait empêcher le recours à la Vefa par les OFS, malgré un contexte juridique favorable, il est important qu’elle soit expressément confirmée par le législateur lui-même et, naturellement, qu’elle ne remette pas en cause les situations juridiques établies antérieurement sur le fondement des textes en vigueur.

Ces acquisitions sont susceptibles de relever du champ de la commande publique, qui pose le principe de publicité et de mise en concurrence préalable à l’octroi d’un marché public ou d’une concession lorsque l’organisme HLM exerce une influence déterminante sur la conception de l’ouvrage. Cependant, dans les faits, ces organismes ne seront pas nécessairement contraints par ces obligations pour plusieurs raisons :

  • soit parce que leurs acquisitions se situent hors champ du droit de la commande publique, par application de la théorie des contrats à objet mixte de l’article L. 1312-1 du Code de la commande publique ou parce qu’elles s’inscrivent dans le cadre de « Vefa d’opportunité » lorsque l’acquisition d’un immeuble porte sur un ouvrage « sur le marché », entendu comme celui dont la construction est a minima « planifiée et prête à être réalisée »10 ;
  • soit parce qu’ils s’inscrivent dans l’exception prévue à l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique permettant de conclure sans publicité ni mise en concurrence préalable un marché public avec un opérateur déterminé portant sur l’acquisition de logements imbriqués dans des programmes immobiliers plus vastes.

Compte tenu des différences importantes de régime juridique entre ces deux hypothèses, il convient de distinguer d’une part les ventes d’immeuble à construire publiques (Section I) et les ventes d’immeubles à construire de droit privé conclues soit en « opportunité » soit sur le fondement de la théorie des contrats à objet mixte de l’article L. 1312-1 du Code de la commande publique (Section II).

Section I – L’acquisition dans le cadre de la Vefa publique

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La définition des marchés publics de travaux, posée à l’article 5 de l’ordonnance du 23 juillet 201511, et depuis lors codifiée à l’article L. 1111-2 du Code de la commande publique, a supprimé la condition de maîtrise d’ouvrage publique de la définition de ces contrats de la commande publique.

On sait cependant qu’avant ce texte les opérations d’acquisition ou de baux en l’état futur d’achèvement de volumes imbriqués dans un ensemble immobilier complexe plus large avaient déjà été exclues par le Conseil d’État du champ de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite loi MOP, et ce quand bien même des spécifications techniques étaient imposées par la personne publique dans le cadre de cette acquisition12.

Du fait de l’absence de maîtrise d’ouvrage publique, ces opérations étaient également exclues du champ d’application des marchés publics de travaux au sens du droit interne puisque le Code des marchés publics retenait, jusqu’en 2015, comme élément de définition d’un marché public de travaux le fait que la personne publique soit maître d’ouvrage desdits travaux. Elles devaient toutefois être soumises aux procédures de passation prévues par les directives communautaires lorsque l’opération était qualifiée de marché public de travaux au sens de ces textes et que le montant des travaux dépassait le seuil des procédures formalisées, ou au principe de transparence lorsqu’elles présentaient un intérêt transfrontalier certain. À défaut, elles pouvaient être conclues de gré à gré.

La suppression de la condition de maîtrise d’ouvrage publique impacte donc la pratique des « Vefa publiques » qui peuvent désormais être qualifiées de marchés publics et être soumises au Code de la commande publique même lorsque leur montant est inférieur au seuil des procédures formalisées. Le cas échéant, leur conclusion est donc soumise à une obligation de publicité et de mise en concurrence, et leur exécution aux règles applicables aux marchés publics.

Cela n’a pas échappé au pouvoir réglementaire qui, dans la même logique que celle de l’avis précité du Conseil d’État, a très vite remédié à cet effet collatéral de l’ordonnance de 2015 en prévoyant à l’article 30 du décret du 25 mars 2016 d’application de ladite ordonnance13, désormais codifié à l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique, que des marchés publics négociés peuvent être passés sans publicité ni mise en concurrence préalable pour des raisons techniques « notamment […] lors de l’acquisition ou de la location d’une partie minoritaire et indissociable d’un immeuble à construire assortie de travaux répondant aux besoins de l’acheteur qui ne peuvent être réalisés par un autre opérateur économique que celui en charge des travaux de réalisation de la partie principale de l’immeuble à construire »14.

Cette dérogation aux règles de passation des marchés publics peut être utilisée par les OLS/I dans certaines conditions (Sous-section I) mais suppose de respecter les règles d’exécution des marchés publics (Sous-section II) et soulève encore un certain nombre de difficultés (Sous-section III).

Sous-section I – Les conditions de l’exonération aux règles de publicité et de mise en concurrence

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Concrètement, parallèlement à l’acquisition ou la location d’un bien immobilier par un pouvoir adjudicateur, le contrat visé à l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique permet de faire réaliser des travaux de gros œuvre et d’aménagement intérieur dudit bien ou volume par un opérateur économique choisi de gré à gré conformément aux prescriptions du pouvoir adjudicateur. Cette solution est particulièrement intéressante pour les OLS/I dans la mesure où elle peut leur permettre de procéder à des acquisitions de gré à gré de partie d’ensembles immobiliers en exerçant sur la conception des logements en cause (tant sur le gros œuvre que les aménagements intérieurs), la même influence que s’ils avaient été maître d’ouvrage des travaux.

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Le champ d’application de cette exception est cependant strictement circonscrit aux opérations d’acquisition ou de location qui remplissent l’ensemble des conditions suivantes :

  • porter sur une partie minoritaire d’un immeuble à construire, seule cette partie faisant l’objet de spécifications de la part de l’acheteur public pour que les travaux considérés répondent à ses besoins ;
  • être indissociables du reste de l’opération de construction dont un opérateur économique a eu l’initiative,
  • ne pouvoir être réalisées que par cet opérateur, étant entendu que « la seule affirmation du caractère complexe et délicat d’un ensemble de travaux ne suffit pas à démontrer qu’il ne peut être confié qu’à un même entrepreneur, en particulier lorsque les travaux sont répartis en lots dont la réalisation doit s’étaler sur de nombreuses années »15 ;
  • n’exister aucune solution de remplacement raisonnable, et
  • démontrer que l’absence de concurrence ne résulte pas d’une restriction artificielle des paramètres du marché.

Ces conditions sont particulièrement difficiles à satisfaire16 et à justifier de manière objective et incontestable17. Cela suppose donc en pratique d’apporter les justifications nécessaires à cette dérogation aux règles de passation des marchés publics.

Il s’agira par exemple de démontrer l’importance de la localisation des logements considérés (par exemple leur programmation au titre d’un emplacement réservé ou dans les études urbaines d’une opération d’aménagement dans laquelle s’inscrit le site objet de la cession), étant entendu qu’une rareté du foncier ne suffit pas à démontrer l’absence de concurrence possible18 ; ou encore, de démontrer l’absence de construction sous maîtrise d’ouvrage publique ou par d’autres opérateurs proposant le même type d’immeuble dans le même secteur, etc.

L’OLS/I ne pourra ainsi se porter acquéreur que d’une partie minoritaire et imbriquée de l’immeuble et il devra démontrer que l’acquisition des logements en cause auprès de l’opérateur en charge de la réalisation de cet immeuble est la seule solution raisonnable en termes de situation, de coût, etc.

Sous-section II – Le maintien de l’obligation de respect des règles d’exécution des marchés publics

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Il est important de souligner que l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique organise seulement une exception à la mise en œuvre des procédures de publicité et de mise en concurrence préalables à la conclusion du marché public. Par contre, du point de vue du régime juridique du contrat et de ses conditions d’exécution, il s’agira en toute hypothèse d’un marché public. L’ensemble des règles d’exécution des marchés publics devront alors être respectées par le pouvoir adjudicateur contractant.

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Aussi, sauf à ce qu’elle fasse partie des acheteurs publics bénéficiant de règles d’exécution financières assouplies pour leurs marchés19, le pouvoir adjudicateur ne pourra par exemple pas procéder à des règlements partiels définitifs, mais devra verser des acomptes correspondants aux prestations réellement effectuées (au maximum tous les trois mois20) ne permettant pas de recourir à la pratique habituelle des échéanciers de Vefa. Des règles spécifiques existent également pour les cessions ou nantissements de créances.

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Le sujet de la variation des prix au cours de l’exécution du marché est également important car en principe, le Code de la commande publique impose que les prix soient révisables lorsque « les parties sont exposées à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la période d’exécution ». Toutefois, si l’acheteur est un bailleur social, qu’il soit de droit privé (SA d’HLM, coopératives HLM, SEM agréées pour le logement) ou de droit public (OPH), il doit pouvoir se soustraire à cette obligation de révision de prix21, même si ce sujet fait débat en période de forte tension sur les matériaux22.

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Le régime contentieux de ces marchés est aussi spécifique dans la mesure où s’ils sont conclus par des personnes morales de droit public, les contrats relevant du Code de la commande publique sont des contrats administratifs23, soumis à la compétence du juge administratif et faisant l’objet de recours spécifiques, comme le recours en contestation de validité du contrat24. Le contentieux des marchés des personnes privées est quant à lui de la compétence du juge judiciaire mais peuvent bénéficier des modes alternatifs de règlement des différends prévus par le Code de la commande publique25, comme le comité consultatif de règlement amiable des différends.

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Sous-section III – Des difficultés à dépasser

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Dans ce contexte, et bien qu’il apporte une solution importante en pratique, le dispositif ainsi prévu ne répond qu’imparfaitement aux besoins opérationnels des acheteurs publics, pour au moins trois raisons36.

La première tient au fait que ce texte inclut, comme nous l’avons vu, les opérations en cause dans le champ d’application des règles d’exécution des marchés publics, alors même qu’elles ne sont pas imposées par le droit de l’Union européenne et qu’elles ont été conçues, pour certaines d’entre elles, pour des cas dans lesquels les acheteurs publics conservaient la maîtrise d’ouvrage des travaux. Des pans entiers de règles semblent pouvoir être exclus. Il s’agit par exemple des règles issues du secteur protégé applicable en cas de transfert de propriété d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation et comportant l’obligation pour l’acheteur d’effectuer des versements ou des dépôts de fonds avant l’achèvement de la construction, quelle que soit la qualité de l’acquéreur37. Dans le cas d’un marché public de travaux, et non d’une vente d’immeuble à construire au sens du Code civil et du Code de la construction et de l’habitation, ces dispositions ne devraient pas trouver à s’appliquer : le Code de la commande publique organise déjà un régime protecteur de l’acheteur, distinct de celui du Code de la construction et de l’habitation. Les parties pourraient toutefois souhaiter les appliquer conventionnellement, dans la mesure où elles sont conciliables avec les dispositions du Code de la commande publique, afin de se rapprocher le plus possible d’une Vefa du secteur protégé38. D’autres pans de règles devraient pouvoir être exclues, mais sans que l’on puisse cette fois en être certains : c’est le cas par exemple des règles sur la sous-traitance qui, en toute logique, ne devraient pas s’appliquer dans la mesure où l’acheteur public (OLS/I pour ce qui nous intéresse) n’assume pas la maîtrise d’ouvrage des travaux.

La deuxième difficulté est relative au fait que ce texte ne traite pas de la question du transfert de propriété sur l’assiette de l’ouvrage réalisé pour les besoins de l’acheteur public39. De fait, des pratiques très diverses voient le jour (utilisation contractuelle de la technique de la Vefa, ou organisation d’un montage contractuel complexe avec une vente de volume à bâtir assortie d’un marché ad hoc de travaux), un peu comme ce fut le cas dans les opérations privées avant la création en 1967 du contrat de Vefa (on se souvient de la méthode dite de Grenoble40 ou encore des sociétés d’attribution qui ont été les principales manières de sécuriser les ventes d’immeubles à construire, sans atteindre véritablement le résultat escompté), et alors même que les opérations concernées, du fait notamment de leur quantité très importante, ont besoin de repères stables.

Enfin, la dernière difficulté qui apparaît immédiatement à la lecture de ce texte est son silence sur l’hypothèse, pourtant très fréquente, dans laquelle il y a identité entre le vendeur du terrain et celui qui souhaite acquérir une partie d’immeuble imbriquée dans le futur programme qui sera développé sur cette emprise. Concrètement, c’est le cas dans lequel une commune cède une emprise foncière à un promoteur privé en imposant, comme condition sine qua non de la cession, qu’une partie de l’ouvrage lui soit remis ou soit remis à un tiers, un OLS/I par exemple sur cette hypothèse.

Comme cela a déjà été indiqué, la possibilité de recourir à ce dispositif dans une telle situation semble compromise dans la mesure où la condition posée au dernier alinéa de l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique, qui impose de démontrer que l’absence de concurrence ne résulte pas d’une restriction artificielle des paramètres du marché, serait en l’occurrence difficilement satisfaite.

Par conséquent, sans revenir sur le fondement même de l’exception introduite par le pouvoir réglementaire, il serait important de compléter le texte de l’article R. 2122- 3 du Code de la commande publique pour uniformiser les pratiques, simplifier, là où cela est rendu possible par le droit de l’Union européenne, les règles d’exécution, et peut être déterminer le régime de cession des terrains destinés à faire l’objet en retour d’une construction incluant en partie des logements ou équipements publics à vendre à la personne publique ou à un OLS/I.

Section II – L’acquisition dans le cadre de la Vefa privée dite « d’opportunité »

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L’intérêt du recours à la Vefa pour répondre à des objectifs forts de production de logement sociaux et intermédiaires fut et est régulièrement mis en avant, à tel point que le législateur est intervenu pour sécuriser la pratique des organismes HLM.

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La loi d’orientation pour la ville du 13 juillet 1991, reconnaissait indirectement le développement des Vefa privés en confirmant la non-application des dispositions relative à la maîtrise d’ouvrage publique lorsque les organismes HLM acquièrent des ouvrages de bâtiment en Vefa dans le respect de leur obligation de maîtrise d’ouvrage publique, c’est-à-dire lorsque l’une des conditions cumulatives relative au champ d’application de cette obligation n’est pas remplie. Il s’agit particulièrement de deux hypothèses : (i) celle de l’acquisition d’une partie minoritaire et imbriquée qui doit aujourd’hui prendre la forme du marché public passé en vertu de l’art. R. 2122-3 du Code de la commande publique ; (ii) celle de l’acquisition en Vefa de logements au sein d’un ouvrage non conçu pour le compte de l’OLS, autrement dit d’un ouvrage sur lequel il n’a pas exercé une influence déterminante et qu’il acquiert donc en opportunité.

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Toujours sous un angle historique, on note que pour favoriser le développement de la mixité sociale dans les quartiers et les ensembles immobiliers, le décret du 8 février 200041 reconnaît ensuite aux organismes HLM la possibilité d’acquérir en Vefa des logements financés en PLUS, PLA-I ou PLS. Par la suite, les conditions d’utilisation de la Vefa ont été précisées par une circulaire de mars 200142 qui prévoit notamment que les organismes HLM ne peuvent acquérir directement en Vefa qu’un nombre minoritaire de logements dans une même opération. Bien que cette circulaire ne vise formellement que les opérations financées en PLUS ou PLA-I, ces dispositions s’appliquent dans les mêmes conditions aux opérations financées en PLS, que le prêt soit accordé directement aux organismes HLM ou que le prêt leur soit ultérieurement transféré43.

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Poursuivant l’objectif de sécuriser les conditions du recours à la Vefa par les organismes HLM, l’article 4 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés a ajouté un article L. 433-2 au Code de la construction et de l’habitation qui dispose que :

« Un organisme d’habitations à loyer modéré mentionné à l’article L. 411-2 ou une société d’économie mixte peut, dans le cadre de l’article 1601-3 du Code civil ou des articles L. 262-1 à L. 262-11 du présent code, acquérir :

– des immeubles ayant les caractéristiques de logement-foyer mentionné à l’article L. 633-1 ou de résidence hôtelière à vocation sociale mentionnée à l’article L. 631- 11 ;

– des ouvrages de bâtiment auprès d’un autre organisme d’habitations à loyer modéré ou d’une autre société d’économie mixte ;

– des logements inclus dans un programme de construction, à la condition que celui-ci ait été établi par un tiers et que les demandes de permis de construire aient déjà été déposées ».

Résultant de la crise financière de 2008, cet article a permis aux organismes HLM d’acquérir plus simplement des logements en Vefa dans des opérations pour lesquelles la construction ne pouvait commencer faute de commercialisation. L’objectif annoncé par le président de la République de l’époque était de leur permettre d’acquérir auprès des promoteurs, à des prix décotés, près de 30 000 logements réalisés en Vefa. Véritable texte de crise, l’article L. 433-2 pose pour autant des garde-fous en restreignant les conditions dans lesquelles les organismes HLM peuvent acquérir ces logements, notamment dans la perspective de garantir le respect du droit de la maîtrise d’ouvrage publique.

Resté en vigueur dans les mêmes termes, ce texte pose aujourd’hui la question des conditions de recours à la Vefa en dehors du champ de la commande publique (Sous-section I) et du sens de l’expression logements inclus dans un programme de construction (Sous-section II).

Sous-section I – Le critère de l’opportunité : un critère à harmoniser

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Le Code de la commande publique prévoit que les contrats d’acquisition ou de location, quelles qu’en soient les modalités financières, de terrains, de bâtiments existants ou d’autres biens immeubles, ou qui concernent d’autres droits sur ces biens ne sont pas soumis à une obligation de publicité et de mise en concurrence44. Cela45 vaut non seulement pour les immeubles bâtis, mais également pour des bâtiments non encore construits. En effet, le terme « existant » ne doit pas s’analyser uniquement sous le prisme de la construction de l’ouvrage, il doit également s’analyser sous le prisme de sa conception. Autrement dit, dès lors que les plans du bâtiment sont suffisamment « arrêtés » par le promoteur à l’origine du projet, il peut être considéré que le pouvoir adjudicateur qui va procéder à l’acquisition n’a pas exercé d’influence déterminante sur la nature ou la conception de l’ouvrage, comme l’exige la définition des marchés publics de travaux. Ainsi, l’acquisition de l’ouvrage « juridiquement » existant constitue un marché de services non soumis aux règles de passation des marchés publics46.

C’est dans cette hypothèse que l’OLS/I peut être considéré comme saisissant une opportunité sur le marché. L’OLS/I ne commande aucune prestation de travaux répondant à ses besoins propres, il n’exerce aucune influence déterminante sur la nature ou la conception de l’ouvrage ; il ne fait que saisir une opportunité que lui offre le marché. Tout l’enjeu est donc de déterminer la frontière entre l’opportunité et la commande publique de travaux. Sur cette question, et sur le critère de l’opportunité, deux approches coexistent aujourd’hui : celle retranscrite à l’article L. 433-2 du Code de la construction et de l’habitation (§ I), et celle, pragmatique et rappelée avec force récemment, de la Cour de Justice de l’Union Européenne notamment (§ II).

§ I – L’approche retenue par le Code de la construction et de l’habitation : le permis de construire déjà déposé par un tiers

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L’acquisition en opportunité d’un immeuble à construire suppose que la construction soit juridiquement entamée. En effet, à l’inverse, si la conclusion du contrat de Vefa est l’élément déterminant de la décision de réaliser la construction, alors la construction ne peut pas être considérée comme juridiquement « entamée » au moment de la signature de l’acte et ainsi, il y a là une commande non exonérée des règles de passation du droit des marchés publics. Dès lors, si l’on peut démontrer que la décision de réaliser l’ouvrage a été prise avant la conclusion de la Vefa, alors cette dernière devient possible sans publicité ni mise en concurrence. Cette démonstration est considérée comme acquise lorsque la contractualisation intervient après le dépôt du permis de construire, puisque l’immeuble acquis est déjà sur le marché et proposé, en tant que tel, à la vente47.

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C’est la solution retenue par le Code de la construction et de l’habitation pour les acquisitions des organismes HLM à l’article L. 433-2 précité. Même si ce texte ne préjuge pas de la qualification des opérations considérées du point de vue du droit de la commande publique, on peut penser que cette condition a été définie par le législateur pour s’assurer que l’extension de l’objet des OLS sur ces opérations en Vefa demeure conforme au droit des marchés publics. Cette condition, qui permet de considérer que les logements acquis en Vefa par les organismes HLM sont sur le marché, est toutefois limitante pour ces derniers qui n’interviennent de manière officielle que tardivement. Cependant, il serait illusoire de croire que les organismes HLM et opérateurs privés n’entreprennent aucune discussion en amont du dépôt du permis de construire. Ces discussions informelles ne pouvant être formalisées, le bailleur social se trouve dans une situation inconfortable, entraînant un rapport asymétrique, l’empêchant de pouvoir exprimer clairement ses demandes sur l’opération en question, comme pourrait le faire n’importe quel acheteur en l’état futur. Parallèlement, ces discussions fragilisent la légalité des opérations du point de vue de l’article L. 433-2 du Code de la construction et de l’habitation, alors même que la production de logements sociaux appelle une sécurité juridique. Naturellement, si ces discussions devaient faire tomber l’opération sous le coup de la commande publique, elles seraient constitutives d’un délit de favoritisme (C. Pénal, art. 432-14). Mais, comme nous le verrons, il semble bien que la condition posée à l’article L. 433-2 du Code de la construction et de l’habitation va au-delà du champ de la commande publique.

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Ce point fut d’ailleurs déjà souligné par le passé et des pistes d’évolution furent formalisées : « il paraît opportun pour le ministère en charge du logement d’adapter la législation aux pratiques, afin de les sortir de l’illégalité, tout en s’assurant que la Vefa HLM ne devienne pas un mode de contournement de la loi MOP. Il s’agirait de modifier le Code de la construction et de l’habitation pour légaliser des pratiques devenues courantes entre les trois acteurs de la Vefa HLM – promoteurs, organismes d’HLM et collectivités locales, telles que les chartes et les négociations en amont des projets. »48

Dans cette situation, il apparaît impératif de s’en tenir à une vision plus pragmatique de « l’opportunité », c’est-à-dire de l’acquisition d’un bâtiment « juridiquement existant », afin de sécuriser les acquisitions en Vefa des organismes HLM, lesquelles interviennent souvent, comme nous venons de le démontrer, de fait, en contradiction avec les dispositions de l’article L. 433-2 du Code de la construction et de l’habitation, sans pour autant être en contrariété avec le droit de la commande publique - et donc sans commettre de délit de favoritisme. Et ce d’autant plus que la tendance juridique actuelle, et notamment la jurisprudence récente de la CJUE tend à adopter une approche plus réaliste de l’opportunité.

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Le juge de l’Union européenne va même encore plus loin.

§ II – L’approche pragmatique de l’opportunité par la Cour de justice de l’Union européenne

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Lorsqu’un contrat porte sur l’acquisition ou la location d’un ouvrage, d’une part, et que la construction de l’ouvrage n’a pas encore commencé, d’autre part, la réalisation de l’ouvrage est en principe considérée comme le but principal du contrat dans la mesure où le « contrat ne pouvait avoir comme objectif immédiat la location [ou l’acquisition] d’immeubles »49. Néanmoins, le contexte de la commercialisation et l’absence d’influence de l’acquéreur sur les caractéristiques structurelles de l’ouvrage sont de nature à exclure la qualification de marché public de travaux si lesdits travaux, d’une part, et l’acquisition ou la location, d’autre part, répondent à des besoins indissociables.

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– Le contexte de commercialisation de l’ouvrage. – En s’intéressant aux pratiques du marché la CJUE a fait un énorme pas en faveur de ces Vefa d’opportunité50 dans une affaire du 22 avril 2021, à l’occasion d’un litige relatif à la conclusion sans publicité ni mise en concurrence d’un contrat de location à durée indéterminée portant sur un immeuble de bureaux par un organisme de logement social autrichien51.

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Premièrement, la Cour a retenu que le fait que le permis de construire ait été déposé n’est pas la seule circonstance permettant de considérer que l’ouvrage est « entamé ». Pour la Cour, il convient de relever que, selon une pratique commerciale courante, les projets architecturaux de grande ampleur sont mis en location dans le cadre de baux en l’état futur d’achèvement (BEFA) bien avant la finalisation des plans de construction détaillés, de telle sorte que le propriétaire du site ou le maître d’ouvrage n’entame la procédure formelle d’obtention d’un permis de construire que lorsqu’il dispose d’engagements de la part de locataires futurs pour une partie importante des surfaces du bâtiment projeté. Dans ces conditions, le fait que, comme en l’espèce, le permis de construire n’a été demandé et délivré qu’après la date de la conclusion du contrat de location en cause ne s’oppose pas à ce qu’il soit considéré que l’immeuble était, à cette date, « déjà planifié et prêt à être réalisé »52.

1-349

Deuxièmement, s’agissant de la notion d’influence déterminante sur la conception de l’ouvrage, la Cour estime qu’elle peut être identifiée s’il peut être démontré que cette influence est exercée sur la structure architecturale de ce bâtiment, telle que sa dimension, ses murs extérieurs et ses murs porteurs. Dans l’affaire qui lui avait été soumise, les études de structures réalisées bien avant la conclusion du contrat comprenaient déjà des hypothèses architecturales qui ont été confirmées dans les contrats conclus, ce qui démontre pour la Cour que le pouvoir adjudicateur n’a pas exercé d’influence sur ce point.

Par ailleurs, elle pose que les demandes concernant les aménagements intérieurs ne peuvent être considérées comme démontrant une influence déterminante que si elles se distinguent du fait de leur spécificité ou de leur ampleur.

1-350

Troisièmement, dans cette affaire, il existait des options proposées aux candidats locataires sur certains travaux et des travaux d’aménagements demandés ensuite par le pouvoir adjudicateur. Le juge répond d’abord que si une opération immobilière est considérée comme existant déjà sur le marché lorsque la personne publique recherche un immeuble pour abriter ses locaux et que l’objet principal du contrat est immobilier, cela n’empêche qu’il comporte des travaux réalisés sur option et répond donc à une demande de l’acheteur. Ensuite s’agissant des spécifications que l’organisme de logement social a formulées, la Cour note qu’il est usuel qu’une entreprise, qu’elle soit privée ou publique, qui cherche à louer un immeuble de bureaux, fasse préciser certains souhaits quant aux caractéristiques que ce site devrait, dans la mesure du possible, réunir, qu’il s’agisse d’un bâtiment encore à construire ou d’un changement de locataire à l’occasion duquel des travaux de remise à niveau sont effectués. Si le nombre de ces demandes et le degré de détails de celles-ci sont élevés, le critère déterminant dans ce contexte est néanmoins celui de savoir si ces demandes vont au-delà des exigences habituelles d’un locataire en ce qui concerne un immeuble : même si ces demandes visent à satisfaire un besoin propre du locataire ou de l’acheteur, elles ne sont pas nécessairement de nature à exercer une influence déterminante sur la conception de l’immeuble, sur l’aspect architectural.

1-351

La Cour a donc eu un raisonnement constructif destiné à permettre aux pouvoirs adjudicateurs, comme n’importe quel opérateur économique, de procéder à des acquisitions de biens sur le marché, avec des spécifications répondant à leurs besoins. Il serait donc bon que le législateur en tienne compte pour modifier en ce sens le Code de la construction et de l’habitation et ouvrir aux bailleurs sociaux les mêmes opportunités. Cela est très important car la situation actuelle ne satisfait personne : le recours à l’article R. 2122- 3 demeure très encadré, et les Vefa dans le cadre du Code de la construction et de l’habitation devraient en théorie intervenir sans discussion préalable au dépôt du permis de construire par le promoteur alors que celui-ci a besoin de sécuriser son opération en matière de logement social pour respecter les règles d’urbanisme et que le bailleur de son côté doit pouvoir acheter des logements suffisamment adaptés à ses besoins. Il doit pouvoir intervenir comme un vrai client.

1-352

– Combinaison possible avec la théorie de l’accessoire pour des Vefa clef en main (ou Vefa complètes). – Pour la CJUE, le fait que la personne publique impose des travaux d’aménagement intérieur qui répondent à ses propres besoins (ex. des matériaux des tuyaux encastrés) n’est donc pas nécessairement de nature à qualifier une influence déterminante sur la conception de l’ouvrage dès lors que ces travaux n’excèdent pas les exigences habituelles du locataire ou de l’acquéreur d’un immeuble à construire tel que proposé sur le marché.

1-353

Il semble intéressant de relever que pour construire ce raisonnement, le juge se fonde sur la théorie de l’accessoire : lorsqu’un contrat comporte à la fois des éléments ayant trait à un marché public de travaux et des éléments ayant trait à un autre type de marché, il convient de se référer à son objet principal pour déterminer sa qualification juridique. Autrement dit, il est possible pour une personne publique de procéder à une acquisition en Vefa d’un immeuble sur le marché tout en imposant des travaux d’aménagement intérieur qui répondent à ses besoins propres dès lors que les travaux en question peuvent être considérés comme indissociables de l’acquisition, ce que le juge vérifie en regardant si les différentes prestations ont un caractère autonome ou si les unes sont la raison d’être des autres53, éventuellement compte tenu des exigences habituelles dans les pratiques de marché. Il s’agit bien alors d’un contrat à objet mixte (immobilier (services) et travaux). La qualification du contrat dépend de son objet principal et l’objet principal ici n’est pas l’exécution de travaux d’aménagement intérieur mais le transfert de droits immobiliers - puisque si la personne publique demande que des travaux soient réalisés c’est parce qu’au départ elle veut acquérir un ouvrage qui est sur le marché.

1-354

Il convient cependant de constater que certains arrêts font référence à une notion d’acquisition de « local brut »54. On pourrait être tenté de considérer à la lecture de ces jurisprudences qu’il s’agit d’une condition supplémentaire au recours aux Vefa d’opportunité. Cela nous semble cependant difficile à soutenir car :

  • si l’on se place dans le cadre d’une Vefa d’opportunité, on vient de voir que les travaux d’aménagement intérieur sont également possibles ;
  • et, si l’on est dans un cas de vente contre remise d’équipement public, respectant les conditions de la théorie des contrats mixtes, il n’est évidemment pas nécessaire que le local soit brut de béton : tout l’intérêt étant de récupérer un équipement complet55.

En pratique on sait que les acquisitions de locaux bruts avec passation de marché pour l’aménagement intérieur sont excessivement complexes et couteuses ; avec la jurisprudence précitée de la CJUE, il est donc recommandé de recourir aux Vefa clefs en mains, en dehors du droit de la commande publique, comme cela est permis.

Sous-section II – L’obscur critère de l’acquisition partielle

1-355

En dehors du cas des Vefa publiques, les organismes HLM doivent respecter l’article L. 433-2 du Code de la construction et de l’habitation. Cet article réglemente les conditions dans lesquelles ils peuvent acquérir en Vefa ; à cet égard, il indique également que ces Vefa doivent porter sur des « logements inclus dans un programme de construction ».

§ I – Une lecture prudente : la prohibition de la Vefa dite « 100 % »

1-356

Une lecture stricte du texte invite alors à y voir une condition particulière aux termes de laquelle les logements acquis en Vefa doivent s’insérer dans un programme de construction plus large ; autrement dit, les organismes HLM ne pourraient pas acquérir la totalité d’un programme de logements en Vefa.

1-357

Pour donner une portée à l’idée d’inclusion dans un programme de construction, la pratique a donc eu tendance à prohiber les acquisitions en Vefa par les organismes HLM de la totalité d’un programme de construction. C’est notamment la position officielle adoptée à l’heure actuelle par l’Union sociale pour l’habitat, dans un souci d’équilibre entre maîtrise d’ouvrage publique et privée. En effet, tant que les Vefa dites « 100 % » demeurent prohibée, la maîtrise d’ouvrage privée restera cantonnée aux opérations comportant une mixité sociale ou fonctionnelle. Cela garanti le maintien d’un certain niveau de maîtrise d’ouvrage publique, nécessaire en termes de compétence des OLS/I ne serait-ce que pour être de bons acheteurs en Vefa, et dont le rôle “contracyclique” en temps de crise immobilière est également une assurance pour le secteur de la construction.

1-358

On peut parfois lire que cette prohibition repose également sur l’idée d’une nécessaire péréquation entre logements sociaux/intermédiaires et logements libres. Autrement dit, comme l’indiquait le Conseil d’État dans son rapport déjà cité de 2009, « le promoteur vend au bailleur social les logements sociaux à un prix inférieur à celui auquel il vend les logements privés. Cet effort n’est le plus souvent possible que parce qu’une collectivité publique a elle-même dissocié dans son prix de vente du foncier une charge foncière inférieure pour le logement social. Permettre d’acheter en Vefa 100 % d’un programme ferait disparaître toute péréquation et laisserait les bailleurs sociaux en situation d’infériorité face aux promoteurs ». On peut cependant penser que si le logement libre est parfois contraint de financer le logement social à l’échelle des programmes immobiliers ou des opérations d’aménagement, c’est surtout parce que le foncier a été acquis à un prix trop élevé (parfois en le cumulant au montant de la participation au coût des équipements publics), qui ne permet pas d’équilibrer le projet. Cette situation pose alors la question de la régulation des prix du foncier. La pratique des appels à projets depuis 2014, consistant à sélectionner les projets pour ce qu’ils sont et non pas car l’opérateur présente le meilleur prix de charge foncière est, à cet égard, une bonne pratique.

1-359

Reste enfin que l’enjeu lié à la conclusion d’une Vefa portant sur 100 % d’un programme immobilier demeure circonscrit dans la mesure où les objectifs de mixité, planifiés dans les documents d’urbanisme, les programmations en ZAC ou encore dans les appels à projets, impliquent nécessairement des acquisitions en Vefa limitées à une partie seulement de l’immeuble à construire. Faut-il alors brider les bailleurs qui le souhaiteraient, parfois en accord avec les promoteurs, notamment dans certaines situations de crise qui peuvent rendre difficile la commercialisation d’un programme, d’acheter en Vefa la totalité de ce programme ? Sans doute pas dès lors que le prix de la Vefa est cohérent et qu’aucune raison juridique ne s’y oppose.

§ II – Arguments en faveur d’une lecture ouverte du texte

1-360

Au moins deux séries d’arguments plaident en faveur d’une lecture plus souple de ce texte.

1-361

On notera d’abord que, nonobstant les dispositions de l’article L. 433-2, cette condition de l’acquisition d’une partie seulement d’un programme de construction n’est exigée par aucune règle de droit positif. En effet, dans la mesure où les autres conditions posées par l’article L. 433-2 du Code de la construction et de l’habitation impliquent que l’organisme HLM qui souhaite recourir à la Vefa ne soit pas à l’initiative de la construction de l’immeuble, les travaux en cause ne devraient pas répondre à ses besoins propres et, partant, l’organisme HLM ne devrait pas avoir à assurer la maîtrise d’ouvrage des constructions56 ni à se soumettre son opération à une procédure de publicité et de mise en concurrence. On relèvera par ailleurs que cette exigence n’est posée que pour les opérations de logements, à l’exclusion des logements-foyers ou résidences hôtelières à vocation sociale qui peuvent être acquis sans de telles conditions57.

1-362

Ensuite, les travaux parlementaires de 2009 relatifs à la loi MOLLE puis à la loi pour l’accélération des programmes de construction nous révèlent que le législateur a voulu mettre un terme à une pratique qui consistait à limiter la part des logements acquis en Vefa par les organismes HLM au sein d’un programme de construction. Cette condition trouvait en effet sa source dans des circulaires liées au recours aux divers financements en matière de de construction de logements sociaux, et non dans des contraintes issues de la loi MOP ou du droit des marchés publics. Constatant que cette limitation « ne correspond à aucune exigence de nature juridique ou économique »58 les parlementaires ont donc supprimé la condition initialement contenue dans le projet de texte qui prévoyait que la SHON globale des logements acquis en l’état futur d’achèvement soit inférieure à la moitié de la SHON totale du programme de construction.

1-363

Néanmoins, la formule « logements inclus dans un programme de construction » a été conservée et demeure ambiguë. Il existe donc un doute juridique même si nous disposons d’arguments solides pour réfuter une interprétation stricte de l’article L. 433-2 du Code de la construction et de l’habitation, tant au regard du droit de la commande publique que des travaux parlementaires à l’origine de ce texte. En reformulant ce texte, l’objectif serait ainsi d’offrir la possibilité aux organismes HLM d’acquérir en toute sécurité juridique l’entièreté d’un programme de logements auprès d’un promoteur privé, comme peuvent l’exiger des périodes de crise – telle que la crise financière de 2008 ou la crise sanitaire liée au Covid-1959. Sans prôner la Vefa 100 %, il s’agirait simplement d’offrir la souplesse nécessaire pour permettre aux organismes HLM de s’adapter à toutes les situations se présentant à eux, d’autant plus lorsque les conditions financières de l’opération sont satisfaisantes.

1-364

Précisons cependant que cette modification fut déjà demandée dans le cadre des discussions sur la loi Elan60 et fut rejetée pour des motifs tenant au droit de la commande publique – en ce compris les dispositions relatives à la maîtrise d’ouvrage publique – qui pourtant, comme nous l’avons vu, ne peuvent raisonnablement prospérer, ainsi qu’à la protection de la maîtrise d’ouvrage sociale.

1-364-1

Garantie quant aux conditions financières d’acquisition des organismes HLM : l’avis « des domaines »

Les organismes HLM et SEM agréées doivent respecter le principe constitutionnel de bonne gestion des deniers publics et ne doivent pas procéder à des acquisitions à des prix supérieurs ou des cessions à des prix inférieurs à la valeur vénale ou de marché des biens concernés. L’obligation de recueillir une estimation de la valeur vénale des biens qu’ils acquièrent, prennent à bail, ou pour lesquels ils procèdent à des transferts de propriété ou de droits réels, auprès de l’autorité compétente de l’État (Direction de l’Immobilier de l’État, « DIE »), favorise le respect de ces principes.

L’avis de la DIE est requis préalablement à leurs acquisitions ou cessions immobilières, sans seuil de saisine (art. L. 451-5 du Code de la construction et de l’habitation). Le texte ne fait aucune distinction selon la nature et la superficie de l’immeuble. Il est donné par le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques.

Cet avis doit être formulé dans le délai d’un mois à compter de la date de la réception d’une demande d’avis en état, à défaut de quoi, il peut être procédé à la réalisation de l’opération.

Toutefois, toujours selon l’article L. 451-5 du Code de la construction et de l’habitation, cet avis n’est pas requis préalablement aux acquisitions ou cessions immobilières relatives aux opérations entreprises en vue de l’accession à la propriété et de celles intervenant entre deux organismes HLM ou SEM agréées.

L’article L. 451-6 du Code de la construction et de l’habitation précise par ailleurs que sont exclues les cessions et acquisitions régies par le chapitre III du titre IV du livre IV du Code de la construction et de l’habitation. Ce chapitre dénommé « Accession à la propriété et autres cessions » (CCH, art. L. 443-1 à L. 443-18) regroupent uniquement des dispositions relatives aux cessions des organismes HLM et ne contient aucune disposition relative aux acquisitions.

En définitive, seules les cessions ou acquisitions n’intervenant pas dans le cadre d’opérations entreprises en vue de l’accession à la propriété, ou entre organismes HLM, ou dans le cadre des articles L. 443-1 à L. 443-18 du Code de la construction et de l’habitation (ex. vente de logements locatifs sociaux) sont concernées par l’avis des domaines. Les acquisitions en Vefa auprès d’opérateurs privés sont donc soumises à un tel avis « des domaines » ou de valeur.

1-365

La Vefa est donc une réalité de la production de logements sociaux et intermédiaire. Elle est même indispensable pour répondre aux objectifs de production assignés aux OLS/I. Pour autant, sa pratique ne permet pas toujours de répondre à leurs besoins. D’abord, parce que le recours à l’article R. 2122-3 du Code de la commande publique reste une exception stricte aux règles de passation de la commande publique et n’a pas vocation à correspondre à toutes les situations dans lesquelles les OLS/I pourraient se porter acquéreurs de logements réalisés sous maîtrise d’ouvrage privée. Ensuite, parce qu’en dehors de la passation d’un marché public, le niveau d’exigences et de prescriptions formulées par les OLS/I sera nécessairement plus restreint ; mais, ce que l’on peut regretter, c’est qu’il soit, en l’état actuel du droit français, plus limité que ce que pourraient permettre les exigences relatives à la maîtrise d’ouvrage publique et à la commande publique pour au moins deux raisons. D’une part, parce que l’acquisition de 100 % d’un programme est une réalité qu’il conviendrait de confirmer par une disposition interprétative du texte actuel, dans la mesure où on ne relève aucun obstacle juridique tiré des exigences précitées. D’autre part, parce que le droit de l’union européenne permettrait aux OLS/I d’intervenir dans de nombreuses hypothèses avant le dépôt du permis de construire pour faire état de certains besoins auprès du maître d’ouvrage privé et, surtout, commander certains travaux d’aménagements sans que cela ne remette en cause le régime de la Vefa dite d’opportunité. Dit autrement, si le recours à la Vefa est encore objet de nombreuses critiques c’est peut-être tout simplement parce que, en l’état actuel des textes, il ne permet pas d’adapter suffisamment les programmes aux besoins des OLS/I. Et à cet égard, le simple fait de rendre public les cahiers des charges de chaque bailleur, en espérant que les promoteurs s’en saisiront, n’est pas satisfaisant car cela ne constitue en rien une garantie de réalisation effective d’un programme correspondant au besoin de l’OLS/I, d’autant plus que ces cahiers des charges méritent toujours une certaine adaptation à chaque contexte local et urbain. Il conviendrait donc de réfléchir à libérer la Vefa d’opportunité, en utilisant toutes les possibilités qu’offre le droit de l’Union européenne, pour à la fois sécuriser les actes mais, surtout, produire des logements mieux adaptés aux exigences de qualité et de fonctionnement des OLS/I, poursuivant un objectif de pérennité de l’objet construit en termes d’usage et d’entretien.

Ce développement d’une offre de logement correspondant aux attentes des OLS/I passera sans doute aussi par une association institutionnelle, le plus en amont possible, avec les opérateurs privés61.

1 Ibid. V. égal. sur la question, La production de logements locatifs sociaux par recours à la vente en l’état futur d’achèvement, rapport du Conseil Général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), déc. 2014 ; Logements sociaux produits en Vefa : retours d’expérience, CDC, éclairages – l’expertise du fonds d’épargne, prêteur de long terme, étude n° 7, mai 2015 ; Rapport : Analyse qualitative d’opérations en Vefa au regard des enjeux d’usage et de gestion en locatif social, USH en partenariat avec la CDC, sept. 2015 ; Séminaire « Vefa HLM – Quel bilan ? Quelles perspectives ? », organisé par le CEREMA, en juin 2018 ; La Vefa HLM : un succès indéniable qui suscite des controverses, par S. Guerrini, S. Torredemer et O. Dupré, le 2 novembre 2019 dans Articles, Logement social, Politique du logement ; « Oui, mais… » à la Vefa HLM, avis n° 5 du Conseil social de l’Union sociale pour l’habitat, juill. 2020 ; Construire plus de logements sociaux grâce à la Vefa : une solution pragmatique à la crise du logement, étude économique, Astères, févr. 2021 ; Étude sur la production de logement par Acquisition-Amélioration, état des lieux, perspectives et pratiques des organismes, Ancols, mai 2022.

2 V. not., Séminaire « Vefa HLM – Quel bilan ? Quelles perspectives ? », organisé par le CEREMA, en juin 2018 ; La Vefa HLM : un succès indéniable qui suscite des controverses, par S. Guerrini, S. Torredemer et O. Dupré, le 2 nov. 2019 dans Articles, Logement social, Politique du logement.

3 « Oui, mais… » à la Vefa HLM, avis n° 5 du Conseil social de l’Union sociale pour l’habitat, juill. 2020. Selon Anne-Sophie Grave, alors Directrice Générale d’Immobilière 3F, « la Vefa oscille entre 45 et 50 % de notre production, ce ratio me semble être bon » (Moniteur 22 sept. 2017).

4 Selon le Conseil social de l’USH, « l’analyse précise du coût entre la maîtrise d’ouvrage directe et la Vefa HLM montre que ce coût est marqué par de forts contrastes, dépendant davantage de la région et du segment de produit immobilier que du mode de production lui-même. » L’analyse menée par le cabinet Astères, dans son étude de mai 2022, va dans le même sens : « En moyenne nationale, la Vefa apparaît plus cher que la maîtrise d’ouvrage directe en raison du poids et des spécificités de la région parisienne. En 2019, un logement produit en Vefa présente un prix supérieur de 9,6 % par rapport à la maîtrise d’ouvrage directe. En excluant l’Île-de-France où les prix des terrains sont bien plus élevés que la moyenne nationale, la Vefa est moins chère de 0,4 %. Selon des études publiées par l’Union sociale pour l’habitat (USH) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), les coûts des logements sociaux ne sont pas déterminés par le type de maîtrise d’ouvrage, mais par la localisation des immeubles et les choix de matériaux. En d’autres termes, l’écart de prix s’explique essentiellement par les différences de stratégie d’acquisition du foncier développées par les deux maîtres d’ouvrage. Le promoteur privé cherche à maximiser le bénéfice de sa vente en sélectionnant les terrains les plus chers, là où la demande est la plus tendue. À l’inverse, dans leurs activités de promotion, les bailleurs sociaux privilégient des terrains moins onéreux, le plus souvent cédés par des collectivités locales ou des établissements publics. À terrain et coûts de constructions identiques, la Vefa est plus compétitive que la maîtrise d’ouvrage directe, avec des prix de revient jusqu’à 6,1 % inférieurs. »

5 Le CCH est plus souple en ce qui concerne les coopératives HLM qui sont autorisées à « construire, acquérir, rénover, réaliser des travaux, vendre ou gérer » des logements en vue en vue de leur vente à titre de résidence principale. L’acquisition en Vefa de logements, non suivie de travaux par la coopérative acheteuse, est donc autorisée sur le principe.

6www.hlm.coop/ressources/all/11466

7 V. not. position de l’USH du 7 janvier 2022.

8 Sur la base des analyses effectuées conjointement par l’Étude Cheuvreux et le Cabinet Fidal, ainsi que sur l’analyse effectuée par N. Foulquier et A. Fuchs-Cessot, consultables sur le site de la Fédération des ESH et des OPH.

9 Dépêche AEF Info, mise à jour le 24 août 2022 avec un complément de réponse de la DHUP en fin de dépêche.

10 CJUE, 22 avr. 2021, aff. C-537/19, Com c/ Autriche.

11 Ord. n° 2015-899, 23 juill. 2015 relative aux marchés publics.

12 Cf. CE, avis, 31 janv. 1995 : « il en va ainsi alors même que l’État demanderait que soient prises en compte au stade de la conception du bâtiment des spécifications techniques particulières relatives aux besoins de ses services de police ».

13 D. n° 2016-360, 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. V. P. Soler-Couteaux, « Le sort des Vefa ‘’publiques’’ après le décret du 25 mars 2016 », CMP, mai 2016, Repère p. 1.

14 V. sur ce dispositif, E. Fatôme, L. Richer, M. Raunet, « Nouveaux propos sur l’article 30-I-3°-b du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics », CMP, repère 7, p. 1.

15 CJUE, 14 sept. 2004, aff. C-385/02, Commission c/ Italie, § 21.

16 Comme on le verra en particulier s’agissant des appels à projets, une part importante de la doctrine s’accorde aujourd’hui pour considérer que la condition tenant à l’absence de restriction artificielle de la concurrence fait obstacle à ce qu’un tel marché public soit conclu par une personne publique lorsqu’elle était précédemment propriétaire du terrain d’assiette devant accueillir le futur projet.

17 V. not. CE, 10 oct. 2018, « CIREST », n° 419406 ; CAA Bordeaux, 7e ch, 5 mai 2022, n° 19BX04960. À cet égard, le considérant n° 50 de la directive 2014/24/UE offre une ligne d’interprétation très restrictive des dispositions relatives aux marchés négociés sans publicité préalable. Selon les directives, ce type de marché « devrait être réservé à des circonstances très exceptionnelles », notamment « lorsqu’il est clair dès le départ qu’une publication ne susciterait pas plus de concurrence ou n’apporterait pas de meilleurs résultats, en particulier parce qu’il n’existe objectivement qu’un seul opérateur économique capable d’exécuter le marché ». Il est encore précisé que « le recours à la procédure négociée sans publication ne peut être justifié que dans une situation d’exclusivité objective, c’est-à-dire lorsque l’exclusivité n’a pas été créée par le pouvoir adjudicateur lui-même en vue de la passation du marché ».

18 CAA Nancy, 18 nov. 2020, n° 20NC02103, SCI Victor Hugo 21.

19 Ce qui sera notamment le cas des SEM, SA HLM, OLI, mais pas des OPH.

20 CCP, art. R. 2191-22 dispose que : « La périodicité du versement des acomptes est fixée au maximum à trois mois ».

21 Lecture combinée des articles R. 2112-7 du CCP (qui ne vise que l’État, ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements) et R. 2100-1 du CCP qui précise que les offices publics de l’habitat appliquent les règles relatives aux acheteurs autres que l’État, ses établissements publics à caractère autre qu’industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements.

22 V. not. à ce sujet, « Commande publique : pourquoi les bailleurs sociaux ne sont-ils pas soumis aux clauses de révision des prix ? », P. Gareau, Directeur juridique et fiscal de l’USH, avr. 2022, sur le site de l’USH.

23 CCP, art. L. 6 al. 1.

24 Recours de pleine juridiction issu de la jurisprudence dite « Tarn et Garonne » (CE ass., 4 avr. 2014, n° 358994, Lebon).

25 Chapitre VII du CCP : Règlement alternatif des différends (art. L. 2197-1 à L. 2197-7).

26 Banque de France, Institut d’émission des départements d’outre-mer, Institut de France, Pôle emploi…

27 CCP, art L. 6 : « (…) sous réserve de ceux mentionnés au livre V de la deuxième partie et au livre II de la troisième partie. Les contrats mentionnés dans ces livres, conclus par des personnes morales de droit public, peuvent être des contrats administratifs en raison de leur objet ou de leurs clauses ».

28 Possibilité de se soumettre volontairement aux mécanismes du Code de la commande publique relatifs à l’exécution financière dès lors qu’aucune disposition législative impérative régissant les contrats privés n’y fait obstacle.

29 Lecture combinée des articles R. 2112-8 et R. 2112-13 du CCP.

30 CCP, art. L. 2191-5.

31 La retenue de garantie existe pour les marchés privés au titre de la loi du 16 juillet 1971 tendant à réglementer les retenues de garantie en matière de marchés de travaux définis par l’article 1779-3° du Code civil.

32 Par dérogation à l’article R. 2192-10, le délai de paiement est fixé à : 1° cinquante jours pour les établissements publics de santé et les établissements du service de santé des armées, et 2° soixante jours pour les entreprises publiques au sens du II de l’article 1er de l’ordonnance n° 2004-503 du 7 juin, à l’exception de celles ayant la nature d’établissements publics locaux. (CCP, art. R. 2192-10).

33 CCP, art. L. 2193-1 à L. 2193-14.

34 À la différence de la passation des contrats de la commande publique, les directives européennes n’imposent pas un régime d’exécution desdits contrats, sauf s’agissant des modifications (Dir. 2014/24/UE, art. 72).

35 CPC, art. 1441-1 et s.

36 V. pour plus de précisions, E. Fatôme, L. Richer, M. Raunet, Contrats-Marchés publ. 2017, préc. p. 7.

37 V. sur ce sujet la proposition effectuée par nos confrères d’exclure les professionnels du champ d’application de ces dispositions lors du 118e Congrès des notaires de France.

38 À partir du moment où les parties ont choisi d’appliquer conventionnellement un régime d’ordre public, la Cour de cassation considère cependant que ce choix doit être respecté dans toutes ses implications. Cette règle a été appliquée par un arrêt de la troisième chambre civile du 6 octobre 2010 (n° 09-66252, Bull. III, n° 179) à un contrat de maison individuelle. Cette solution paraît transposable à la vente d’immeuble à construire. D’ailleurs MM Sizaire et Tricoire écrivent (Constr-Urb. Fasc. 83-20 n° 5) : « Compte tenu de cette solution jurisprudentielle et dès lors qu’il n’existe pas de raison de traiter différemment les deux situations, il est fort probable que la Cour de cassation retiendrait une solution identique pour la vente en l’état futur d’achèvement soumise volontairement au secteur protégé de l’article L. 261-10 du CCH si la question lui était posée ».

39 On s’interroge par ailleurs quant à la nécessité que ce contrat comporte une dimension immobilière, une acquisition ou une location, dès lors que le texte utilise le vocable « notamment » devant ces deux hypothèses. Toute la question est donc de savoir s’il serait envisageable de consentir un marché public, sans volet immobilier adjacent, comme un contrat de promotion immobilière, sans publicité ni mise en concurrence préalable sur le fondement de l’article R. 2122-3 du CCP dès lors que les conditions posées par le texte sont remplies.

40 Cette méthode développée dans les années 1930 dans des opérations de constructions collectives par des particuliers en vue de l’accession, avait séduit les promoteurs. Elle consistait à ce qu’un promoteur prenne l’initiative de l’acquisition d’un terrain, puis cède des millièmes aux futurs accédants des logements qui lui consentait en même temps un mandat salarié afin qu’il réalise la construction. Les indivisaires devenaient propriétaires de l’immeuble par accession puis procédaient à son partage en nature, par logement, transformant l’indivision en copropriété.

41 D. n° 2000-104, 8 févr. 2000 modifiant le CCH et relatif aux dispositions concernant l’attribution de prêts et subventions pour la construction, l’acquisition et l’amélioration de logements en accession à la propriété, l’amélioration de logements existants et la réalisation ou l’amélioration des logements locatifs sociaux.

42 Circ. n° 2001-19, 12 mars 2001 relative à la mise en œuvre de la politique du logement et à la programmation des financements aidés de l’État pour 2001.

43 Circ. UHC/FB 3/29, n° 2003-79, 30 déc. 2003 relative aux prêts locatifs sociaux.

44 CCP, art. L. 2512-5.

45 Il s’agit précisément ici d’une soumission aux règles applicables aux « autres marchés publics » en application de l’article L. 2512-5, 1° du CCP.

46 Dans une affaire du 15 avril 2021, la cour administrative d’appel de Nancy a jugé qu’une acquisition par Metz Métropole de son siège social en Vefa ne constitue pas un marché public de travaux dans la mesure où en l’espèce le promoteur avait déjà obtenu son permis de construire sur un projet ne comportant pas de caractéristiques particulières répondant aux besoins de la Métropole au moment où l’acquisition en Vefa a été contractualisée, et que ce même projet avait été par ailleurs proposé à un autre acquéreur : CAA Nancy, 15 avr. 2021, n° 19NC02073.

47 « Vefa et marché public de travaux : le nouvel état du droit », E. Fatôme et L. Richer, Contrats-Marchés publ. n° 8-9, août 2016, étude 6.

48 Séminaire « Vefa HLM – Quel bilan ? Quelles perspectives ? », préc. organisé par le CEREMA, en juin 2018 ; La Vefa HLM : un succès indéniable qui suscite des controverses, par S. Guerrini, S. Torredemer et O. Dupré, le 2 nov. 2019 dans Articles, Logement social, Politique du logement.

49 CJUE, 22 avr. 2021, aff. C-537/19, Commission c/ Autriche, § 47 ; CJUE, 10 juil. 2014, aff. C-213/13, Impresa Pizzarotti, § 42 ; CJUE, 29 oct. 2009, aff. C-536/07, Commission c/ Allemagne, § 56.

50 Il s’agit dans l’espèce d’un BEFA. Certes, le bailleur en l’état futur s’assure généralement de l’adaptation de l’immeuble aux candidats preneurs. Mais on sait qu’aujourd’hui il en va de même en matière de Vefa : comme nous l’avons déjà indiqué, les opérations immobilières, de plus ne plus complexes et contraintes, impliquent d’associer tous les acteurs de la chaîne de production, de l’aménageur à l’utilisateur final. Il n’est donc plus rare de rencontrer des opérations de ventes en l’état futur qui associent les candidats acquéreurs avant le dépôt du PC.

51 CJUE, 22 avr. 2021, aff. C-537/19, Commission c/ Autriche.

52 CJUE, 2e ch., 10 juill. 2014, aff. C-213/13, Impresa Pizzarotti & C. Spa c/ Comune di Bari et autres : « Dans l’affaire au principal, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, au moment où le Comune di Bari s’est vu proposer par Pizzarotti la conclusion du contrat en cause, la réalisation de l’ouvrage concerné par ce contrat n’avait pas encore été entamée. Dans ces circonstances, il convient de considérer que l’objet principal dudit contrat réside dans cette réalisation, que présuppose, en effet, nécessairement la mise en location ultérieure de cet ouvrage (V. en ce sens, arrêt Commission/Allemagne, EU:C:2009:664, point 56). Ainsi que l’a souligné le gouvernement allemand, encore faut-il, pour pouvoir conclure à l’existence d’un « marché public de travaux », au sens de la directive 93/37, que la réalisation de l’ouvrage projeté réponde aux besoins précisés par le pouvoir adjudicateur (arrêt Commission/Allemagne, EU:C:2009:664, point 55). Il en va ainsi lorsque ce dernier a pris des mesures afin de définir les caractéristiques de l’ouvrage ou, à tout le moins, d’exercer une influence déterminante sur la conception de celui-ci (V. en ce sens, arrêt Helmut Müller, C 451/08, EU:C:2010:168, point 67). »

53 CJUE, 29 oct. 2009, Commission c/ RFA, C 536/07, § 28.

54 CAA Nancy, 15 avr. 2021, préc. ; CAA Marseille, 11 avr. 2022, préc.

55 S’agissant de ventes de biens publics dans lesquelles il est prévu de rétrocéder à la personne publique vendeuse un équipement public, la nécessité de poser comme condition l’absence d’aménagement spécifique du local pourrait trouver une explication du côté de la régularité du montage au regard du droit de la domanialité publique et plus spécifiquement de la jurisprudence Préfet de la Meuse du 1er février 1995 (CE, 1er févr. 1995, n° 127969, Préfet de la Meuse ; G. Bachelier, concl. sur CE, 1er févr. 1995, Préfet de la Meuse, LPA 26 janv. 1996, n° 12, p. 4) dans laquelle le Conseil d’État a jugé illégal un déclassement intervenu alors que la collectivité avait engagé des opérations destinées à réaffecter l’immeuble en cause à un service public. Si cela ne concerne pas les logements qui relèvent du domaine privé (cf. CE, 23 févr. 1979, n° 09663, Vildart), bien souvent, ces cessions de terrain contre remise d’équipement portent sur des biens qui relèvent du domaine public et font l’objet d’un déclassement pour pouvoir être vendus. Il nous semble cependant qu’il faut tordre le cou à cette objection spécieuse. Dans l’affaire Préfet de la Meuse, le commissaire du gouvernement avait noté que l’opération de déclassement ne reposait sur aucune nécessité et n’était effectuée que pour permettre de faire réaliser des travaux sous une maîtrise d’ouvrage privée et échapper ainsi aux dispositions de la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique et au Code des marchés publics. Mais, dans la mesure où la construction et la rétrocession, par des opérateurs privés de travaux imbriqués dans des ensembles immobiliers plus vastes, peuvent être réalisées selon les dérogations désormais confirmées par les dispositions du Code de la commande publique précitées, on comprendrait mal que cette jurisprudence fasse obstacle à l’utilisation de ces techniques contractuelles. D’autant qu’elles permettent de réaliser un équipement dans les meilleures conditions tout en garantissant son affectation future puisque cet ouvrage appartiendra après livraison au domaine public ! V. dans le même sens, P.-M. Murgue-Varoclier, La cession domaniale contre remise de locaux : un montage contractuel “piégé” : RFDA, 2019, p. 877.

56 Cf. en ce sens l’article 18 de la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 relative à l’orientation pour la ville (LOV), déjà cité, qui insérait un nouveau cas de dérogation à l’application des dispositions de la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique en considérant qu’elle ne s’applique pas « aux ouvrages de bâtiment acquis par les organismes énumérés à l’article L. 411-2 du Code de la construction et de l’habitation par un contrat de vente d’immeuble à construire prévu par les articles 1601-1, 1601-2 et 1601-3 du Code civil ». Il faut comprendre que ce texte confirme simplement la non-application de la loi MOP pour les Vefa « imbriquées » ou « d’opportunité ».

57 CCH, art. L. 433-2.

58 Cf. Rapport de D. Braye sur la loi MOLLE, doc. Sénat n° 8 (2008/2009). V. égal. le rapport de E. Lamure, doc. Sénat n° 167 (2008/2009).

59 À titre d’exemple, CDC Habitat a soutenu le secteur de la construction en achetant 40 000 logements en Vefa, dont une partie sortira en logement social, dans le cadre de son plan de relance lancé en mars 2020. Parallèlement, in’li a lancé un plan de relance visant à l’acquisition de 10 000 logements avant la fin de l’année 2020.

60 En première lecture, l’Assemblée nationale adopte un amendement afin de modifier l’article L. 433-2 du CCH pour permettre à un bailleur de procéder à l’achat en Vefa d’un programme complet de construction (cf. séance publique du 23 mai 2018, amendement n° 204). Le Sénat rejette l’amendement (cf. examen en commission les 3 et 4 juillet 2018 ; www.senat.fr/rap/l17-630-1/l17-630-111.html). Des sénateurs proposent a contrario un amendement pour encadrer davantage le recours à la Vefa, en fixant notamment une part maximum de 50 % de logements acquis par un bailleur en Vefa dans un programme (cf. séance 20 juill. 2018, amendement n° 175). Cet amendement est rejeté. Le texte du Code de la construction et de l’habitation n’est finalement pas modifié.

61 V. par ex. dans ce sens : https://groupe-cdc-habitat.com/actualites/cdc-habitat-renforce-ses-equipes-et-sa-strategie-de-maitrise-d-ouvrage-directe/

Extrait du rapport du 119e Congrès des notaires de France 2023 - Version au 28/04/2023
Document non contractuel et sous réserve de modifications avant impression.

A paraître en juillet 2023 sur le site www.rapport-congresdesnotaires.fr
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