Extrait du rapport - Favoriser l'accès au logement

May 26, 2023

Extrait du rapport - Favoriser l'accès au logement

Le logement #Développer #Favoriser #Pérenniser

119e Congrès / 2023

Commission 2 – Favoriser l’accès au logement

Introduction

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– Une affaire de chiffres. – Il convient, pour introduire la question de l’accession au logement, d’avoir connaissance de quelques données chiffrées. Elles émanent principalement du « Rapport du compte du logement », établi annuellement par le Service des données et études statistiques (SDES) du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, que l’on peut consulter ci-après :

Lien web : www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/logement

Nous reprendrons ici les tendances qui s’en dégagent, en examinant successivement le parc de logements dans son ensemble (§ I), puis le parc locatif et sa répartition, tant géographique qu’entre logements sociaux et logements du secteur libre (§ II). Suivra une rapide présentation des orientations passées et présentes des politiques d’accession au logement (§ III).

§ I – Démographie du logement

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– Les ménages et leur logement. – Le logement joue, en démographie, un rôle primordial. En effet, on désigne par « ménages » l’ensemble des personnes qui partagent la même résidence principale, que ces personnes soient ou non liées par des liens de parenté. Selon l’Insee, en 2019, la France hors Mayotte compte trente millions de ménages, constitués en moyenne de 2,19 personnes partageant le même logement. La tendance est au rétrécissement des ménages, fruit de la fragilisation des unions et du vieillissement de la population. Ainsi, en 2019, 37 % des ménages sont constitués d’une seule personne, contre 27 % en 1990. Ces données sont issues de statistiques Insee que l’on peut consulter ci-dessous dans leur intégralité :

www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/tableau/20_DEM/24_CFM

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Structure familiale des ménages français

Source : www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/tableau/20_DEM/24_CFM

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– Le parc de logements. – Il y a en France, en 2021 :

  • 37,4 millions de logements dits « ordinaires », dont 30,6 millions (81,9 %) de résidences principales, 3,6 millions (9,8 %) de résidences secondaires et 3,1 millions (8,3 %) de logements vacants,
  • et 1,1 million de locaux d’hébergement.

Le parc de logements en France comprend 55,4 % de logements individuels et 44,6 % de logements collectifs. Mais 79 % des ménages propriétaires de leur logement occupent une maison, contre 25 % de locataires. Les résidences principales sont occupées à 42,5 % par des locataires (dont un peu plus de deux sur cinq dans le secteur social), et 57,5 % par leurs propriétaires (plus d’un tiers d’entre eux ont encore des charges de remboursement et sont dénommés pour les besoins statistiques comme étant des « accédants »).

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Composition du parc de logements en France de 1991 à 2021

www.insee.fr/fr/outil-interactif/5367857/tableau/20_DEM/24_CFM

§ II – Géographie du logement

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– Zones tendues. Logements vacants. – Le nombre de ménages étant légèrement inférieur au nombre de logements et de résidences principales, on pourrait légitimement penser que le problème est simple à régler. Mais un regard sur la géographie à travers deux cartes, celle des zones tendues et celle des logements vacants par communes, illustre la difficulté : les logements vacants1 sont principalement situés là où les gens ne vivent pas !

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Carte des logements vacants depuis plus de deux ans dans le parc privé (DGALN – Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature)

Source : https://carto2.geo-ide.din.developpement-durable.gouv.fr/frontoffice/?map=837169e0-e304-47e8-8f53-f4840ff72afb&x=166815&y=5885340&z=10

Sans surprise, les zones contenant peu de logements vacants sont situées dans les métropoles, là où le zonage des aides au logement qualifie la zone de « tendue ».

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Zonage « ABC » des aides au logement

Source : https://www.ecologie.gouv.fr/zonage-b-c

L’Insee l’illustre particulièrement en Nouvelle-Aquitaine, dans une étude concernant la période de 2010 à 2015 faisant ressortir que le parc de logements a progressé plus vite que la population, de sorte que la vacance a augmenté ; il n’en est cependant pas de même sur tout sur le territoire.

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Ces premiers chiffres appellent, à eux seuls, à la préservation et au développement d’outils variés, aptes à répondre aux particularités très diverses des territoires.

§ III – Modes de détention du logement

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– Propriété = sécurité. – Même si le contraire a parfois été soutenu, le logement n’est pas un bien de consommation. Sa propriété apporte autre chose que son simple usage : la sécurité. Devenir propriétaire est aussi un acte qui va au-delà du simple calcul financier. C’est bien sûr un investissement et l’espoir d’une plus-value, mais aussi la constitution d’un patrimoine à transmettre, et surtout une assurance en prévision de la retraite. Mais cela coûte cher : outre l’investissement qui permet « d’épargner son loyer », s’ajoutent les frais d’acquisition, les charges de fonctionnement et d’entretien et les travaux de rénovation, notamment énergétique. L’économiste Jacques Friggit2 démontre que le coût de l’acquisition par rapport au revenu disponible par ménage est devenu si élevé que le pouvoir d’achat immobilier des ménages primo-accédants a fortement baissé, une première fois au cours des années 1980, et surtout dans la première décennie du XXIe siècle où il a atteint un niveau historiquement bas.

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Prix des logements et loyers – Indicateur de pouvoir d’achat immobilier des ménages – Indices de loyer

Prix des logements et loyers

Les commentaires de l’auteur de ce tableau sont les suivants :

« Depuis le milieu des années 1970, l’indice des loyers observés par l’Insee à structure constante, rapporté au revenu disponible par ménage, est resté presque constant : il a évolué dans un “tunnel” horizontal de largeur 20 %. Cf. la courbe bleue sur le graphique. Cf. également cette présentation sur l’évolution des loyers et des revenus sur le long terme. De 1965 à 2000, de même, l’indice du prix de vente des logements est resté très stable par rapport au revenu par ménage, évoluant approximativement dans le même “tunnel”. Depuis 2002, en revanche, il est sorti de ce “tunnel”, croissant fortement puis se stabilisant à partir de 2008 à un niveau environ 70 % plus élevé et enfin reprenant sa croissance à partir de 2021. Cf. la courbe noire sur le graphique ».

Indicateur de pouvoir d’achat immobilier des ménages

e graphique représente l’indicateur de pouvoir d’achat immobilier, c’est-à-dire la quantité de logement ancien que le ménage peut acheter, pour un taux d’effort (mensualité rapportée au revenu) donné, en base T1 2000=1.

Indices de loyer

Source : www.cgedd.fr/prix-immobilier-friggit.pdf

Est-ce à dire, dès lors, qu’être propriétaire est un rêve de moins en moins accessible, ce qui sous-entendrait que l’on ne reste locataire que par défaut de moyens suffisants pour accéder à la propriété ? Cette affirmation est en grande partie exacte3, mais elle mérite cependant d’être relativisée.

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– Location liberté. – Le statut de locataire donne plus de liberté, dispense l’occupant de nombreuses dépenses et de nombreux soucis de gestion (A). Dans bien des cas, il laisse un revenu disponible supérieur, qui permet en partie de compenser le fait de ne pas « épargner son loyer », ou d’accéder à une surface plus grande que celle à laquelle l’on pourrait prétendre acquérir en propriété (B).

A/ Le logement détenu en location

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L’originalité du parc locatif français tient à sa répartition entre propriétaires privés (secteur libre) et organismes de logement social (parc social).

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– Le parc locatif. – Le parc locatif, fort d’un peu plus de treize millions de logements, relève pour 7,6 millions d’entre eux du secteur libre. Dans la part du parc locatif détenue par des bailleurs privés (personnes physiques, ou personnes morales ne relevant pas de la catégorie des bailleurs publics), dite « du secteur libre », seule une fraction très faible est détenue par les investisseurs institutionnels. Le rapport sur le « développement de l’offre de logement locatif intermédiaire par les investisseurs institutionnels » réalisé par l’Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) en avril 20214 indique « la quasi-disparition du paysage immobilier d’une offre intermédiaire spontanée remplacée par la production de logements portée par des particuliers investissant dans l’immobilier locatif sur incitation fiscale et d’une augmentation du parc social ».

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Évolution du parc locatif français de 1984 à 2019 (en milliers de logements)

Source : www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/280385.pdf

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– Le parc social. – Le suivi du parc social est assuré par l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols), établissement public administratif créé en 2015, opérateur de l’État, placé sous la double tutelle des ministres chargés du logement et de l’économie5. L’Ancols a notamment une mission d’étude et de production de statistiques intégrant le secteur de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), principalement le groupe Action Logement, et des organismes de logement social (organismes d’HLM et SEM de logement social). Le nombre de logements locatifs sociaux est d’environ 5,3 millions. 75 900 logements ont été mis en location pour la première fois dans le parc social au cours de l’année 2021. Dans le même temps, 14 700 logements ont été démolis et 13 900 ont été vendus.

B/ Le logement détenu en propriété

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– Du rêve à la réalité. – « Faire de la France une France de propriétaires » ! Cet objectif de la politique publique du logement a été proclamé à trois reprises au moins à la fin du XXe siècle6, et s’est traduit dans les faits par diverses aides allouées par l’État pour favoriser l’accession à la propriété7. Comment pareille proposition n’emporterait-elle pas, d’ailleurs, l’adhésion la plus large, alors qu’encore au début du XXIe siècle, 89 % des ménages déclaraient vouloir accéder à la propriété de leur logement8 ? Louable objectif mais qui, l’on s’en aperçoit bien aujourd’hui, ne peut pas concerner la frange la plus modeste de la population française, et moins encore celle qui se trouve déjà en situation de précarité9. C’est pourquoi, réfléchissant à une réorientation de la politique du logement, un auteur écrivait dès 2007 : « Une telle orientation [vers l’accession à la propriété] ne saurait remplacer les besoins d’une offre locative accessible beaucoup plus étendue que celle que nous connaissons aujourd’hui »10. Ce que nous traduirions volontiers par cette proposition : il est d’intérêt général de préserver et d’enrichir la diversité des voies ouvertes pour accéder au logement.

1 Selon l’Insee, un logement est vacant s’il est inoccupé et se trouve dans l’une des situations suivantes : proposé à la vente ou à la location ; déjà attribué à un acheteur ou un locataire et en attente d’occupation ; en attente de règlement de succession ; conservé par un employeur pour un usage futur au profit d’un de ses employés ; sans affectation précise par le propriétaire (logement vétuste, etc.). Dans les statistiques que nous présentons, la vacance n’est prise en compte que si elle a duré plus de deux ans.

2www.igedd.developpement-durable.gouv.fr/prix-immobilier-evolution-a-long-terme-a1048.html

3 Les notaires observent quotidiennement qu’à défaut de disposer de revenus supérieurs à la moyenne, leurs clients candidats à l’acquisition immobilière doivent disposer d’une épargne déjà constituée (notamment par une plus-value immobilière précédemment réalisée), ou du produit d’un héritage ou d’autres transmissions familiales déjà perçues.

4 Développement de l’offre de logement locatif intermédiaire par les investisseurs institutionnels (www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2021/Rapport_public_LLI.pdf).

5www.ancols.fr/

6 V. Giscard-d’Estaing (Président de la République, 1974-1981), H. de Charette (ministre du Logement, 1993-1995) ; N. Sarkozy (Président de la République, 2007-2012).

7 On se souvient en particulier de la déduction, autrefois autorisée, des intérêts d’emprunt afférents à l’achat de la résidence principale lors du calcul de l’impôt sur le revenu.

8 Sondage Ipsos publié par Le Moniteur, 16 juin 2006.

9 V. à ce sujet C. Robert (Fondation Abbé Pierre), Une France de propriétaires ? : Rev. Mouvements 2007/4, n° 52. Plus récemment, une interview du sociologue J. Viard, diffusée sur France Info le 7 janvier 2023 et disponible sur le site internet de cette radio : « En France, le rêve de la majorité de la population est de devenir propriétaire, et à peu près 60 % le font ».

10 C. Robert, Une France de propriétaires ?, op. cit.

Extrait du rapport du 119e Congrès des notaires de France 2023 - Version au 01/04/2023
Document non contractuel et sous réserve de modifications avant impression.

A paraître en juillet 2023 sur le site www.rapport-congresdesnotaires.fr
Toute reproduction doit être impérativement assortie de la mention « 119e Congrès des notaires de France ».